Depuis plusieurs années, l’intelligence artificielle fait à nouveau l’objet de tous les fantasmes. On dit même qu’elle peut écrire des livres. Mythe ou réalité ? Voilà qui ne manquera pas d’intéresser les professionnels souhaitant transmettre leur savoir via l’écriture mais n’en maîtrisant pas les codes. La technologie peut-elle venir à leur secours ? Raphaël Richard, expert de l’IA et fondateur de 24pm Academy, nous livre son analyse sur un sujet souffrant souvent de nombreuses approximations. Voici ce qu’il nous explique.

IA : le principe de fonctionnement

Tous les 20 ans, l’intelligence artificielle revient sur le devant de la scène et les experts auto proclamés annoncent qu’elle va enfin tenir toutes ses promesses. Quelques années plus tard, lorsque les choses se tassent un peu, on découvre que si l’IA progresse et qu’elle est de plus en plus performante, finalement non, elle n’est pas prête à nous remplacer. Car ses (nouveaux) domaines d’application restent limités.

Cette règle est encore vérifiée pour la vague d’engouement récent.

Les nouvelles technologies d’intelligence artificielle s’axent toutes autour d’un procédé, le machine learning, et son sous-produit, le deep learning.

Leur principe de fonctionnement est simple : l’expert en intelligence artificielle fournit au programme des séries d’exemples et de contre exemples relatifs à ce que l’on aimerait qu’il apprenne à reconnaître. Un algorithme détermine alors les caractéristiques techniques de ces exemples et contre exemples.

Ainsi, si l’on souhaite qu’un programme d’intelligence artificielle soit capable de reconnaître un chat sur une photo, il suffit de lui fournir mille photos de chats de tous types et toutes couleurs, représentés de face ou de profil, et ainsi de suite. De la même manière, on lui livre une série d’images représentant d’autres animaux (renards, chiens, rats, etc.). Et le système met au point un « modèle » capable de reconnaître les chats.

La réalité est que techniquement, on demande au programme de « prédire » la probabilité que l’image soit celle d’un chat. Si cette probabilité s’avère très élevée, alors l’intelligence artificielle affirme que la photo en question est bien celle du félin domestique…

 

Crédit photo : sophiecat (Shutterstock)

 

Vous l’avez compris, les nouvelles technologies d’intelligence artificielle (machine learning et deep learning) se fondent sur des statistiques et des probabilités.

La production automatisée de textes

La même logique est appliquée à la génération de textes, en d’autres termes à leur production automatisée.

On a ainsi commencé à lire il y a quelques années, que des programmes d’intelligence artificielle avaient été capables d’écrire des livres. Mais attention, ces livres ont certes été écrits par des algorithmes d’intelligence artificielle, mais avec l’aide d’équipes de chercheurs. Par ailleurs, ces expériences n’ont jamais permis de concevoir des logiciels d’AI susceptibles d’écrire tout type de livre, dans toutes les langues possibles.

Pourtant, Open IA, une entreprise à laquelle Elon Musk est associée, a mis au point un algorithme nommé GPT3, capable de rédiger des textes sur n’importe quel sujet, ou presque, et ce, dans des dizaines de langues.

Voilà une percée majeure !

J’ai testé GPT3 pour vous.

Lorsqu’on lui propose le sujet « Comment écrire un livre », voici ce que renvoie le logiciel :

Chaque écrivain a un processus d’écriture différent, et le vôtre évoluera au fur et à mesure que vous grandirez en tant qu’écrivain. Mais la première fois que vous écrivez un livre, il y a certaines choses qui seront vraies, peu importe qui écrit. Avant de vous lancer dans la rédaction de votre prochain chef-d’œuvre, voici le processus étape par étape de l’écriture d’un livre.

Étape 1 : avoir une idée

Cela peut sembler évident, mais ce n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Le début de chaque histoire est le même : un personnage veut quelque chose et commence à prendre des mesures pour l’obtenir. Ce désir initial est souvent appelé « l’accroche de l’histoire » – l’élément qui saisit les lecteurs et leur donne envie de continuer à lire.

Étape 2 : Rédigez un plan pour votre livre

C’est ce qu’on appelle un plan, qui vous donne une vue d’ensemble de votre livre et vous permet de savoir exactement ce que vous devez inclure dans chaque chapitre. Si vous avez du mal à réaliser cette étape, essayez de trouver des idées en répondant à des questions du type : Que se passe-t-il dans ce chapitre ? Que dois-je mettre en place ? Comment puis-je faire avancer l’histoire ? En répondant à ce genre de questions, vous serez en mesure de créer un plan qui maintiendra votre histoire sur la bonne voie, sans impasse ni confusion.

Pour être tout à fait exact, GPT3 propose différents textes, tous aussi pertinents que celui-ci.

C’est à l’utilisateur de choisir ce qui lui convient le mieux.

Il faut préciser à ce stade que le texte qui a été proposé n’a pas été copié sur internet. Il s’agit d’une production inédite. Pas originale, car elle se contente de synthétiser et de reformuler ce qu’elle a pu trouver en analysant des milliers d’articles de blogs sur le sujet, mais néanmoins inédite.

 

Écrire un livre avec l'IA

Crédit photo : Pixels Hunter (Shutterstock)

 

On remarquera que, pour le moment, GPT3 n’est pas capable de rédiger des textes longs, mais seulement 500, 1000 ou 2000 caractères à partir d’une instruction donnée.

Quelles applications immédiates dans l’écriture ?

GPT3 ne produit donc que des textes courts. Pourquoi ne pas imaginer qu’un auteur dresse le plan d’un livre qu’il n’a pas le temps d’écrire puis passe deux jours à multiplier les demandes pour que GPT3 rédige les 150 pages de l’ouvrage, morceau par morceau.

Vous l’avez compris, ce type de procédé est très restreint : « l’auteur » peut ne pas être d’accord avec ce qu’écrit le logiciel. Par ailleurs, GPT3 s’avère inadapté dès lors qu’il s’agit de développer une thèse innovante puisque, par définition, il ne peut innover.

GPT3 est donc très limité.

Imaginons cependant deux cas de figure dans lesquels GPT3 semble mieux adapté.

Vous êtes un consultant débutant sur un sujet spécifique. Prenons comme exemple le community management. Vous savez que des dizaines de milliers d’articles ont été publiés sur ce sujet sur Internet. GPT3 a donc eu le temps « d’apprendre » le sujet. Il vous suffit d’acheter le livre d’un spécialiste américain, d’en traduire le sommaire détaillé et de demander à l’IA d’en traiter chacun des points dans la langue française. Ce que GPT3 produira sera probablement de meilleure qualité que ce que vous auriez pu produire vous-même en un temps limité.

Autre hypothèse : vous êtes un vrai spécialiste du même sujet, mais n’avez pas le temps d’écrire le livre. Vous souhaitez rédiger un ouvrage de synthèse offrant un consensus sur le community management. Vous passez une journée à élaborer le sommaire détaillé du livre. Vous demandez à GPT3 de rédiger les 150 articles correspondants. Vous corrigez les erreurs. Vous réécrivez la vingtaine de pages sur lesquelles le logiciel a séché et vous obtenez votre livre « consensus » !

À ce jour, GPT3 semble donc être capable d’aider à écrire certains livres professionnels que l’on qualifiera de « consensus » et composés d’une liste de points juxtaposés. Il ne peut en revanche produire les livres scientifiques ni les ouvrages d’analyse dotés d’une démonstration suivie.

Alors qui sait ? Avec l’aide de l’Intelligence Artificielle, peut-être trouverez-vous le temps d’écrire ce livre auquel vous rêvez depuis des années, et pourrez-vous enfin partager les secrets de votre métier ?

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Grâce à Raphael, je viens de découvrir les avancées de l’Intelligence Artificielle qui, en effet, ne cesse de faire parler d’elle. Je suis assez épatée de constater ce dont elle est aujourd’hui capable. J’exerce régulièrement en tant que rédactrice web sur des sujets que je ne connais pas toujours, et entrevois les possibilités offertes par l’IA dans ce domaine : collecte des informations importantes, synthèse d’arguments, coup de pouce en cas d’inspiration en berne.

Pourtant la vraie création de contenu, l’écriture d’un livre signature, le partage d’expérience, voilà qui procède sans doute d’une tout autre aspiration. Il s’agit d’exprimer ce que vous avez de différent sur un sujet existant, de l’aborder sous un angle neuf, d’y ajouter ce que vous seul avez vécu. GPT3 n’écrira pas votre livre (en tout cas pas dans l’immédiat), ni même le sien….

Mais voilà un outil puissant qu’il convient de surveiller du coin de l’œil… N’est-ce pas ?

Pour en savoir plus, retrouvez Raphaël Richard sur LinkedIn et 24pm academy.