Il n’est pas rare qu’écrire un seul livre se révèle insuffisant. D’abord parce que l’expertise d’une vie ne tient pas en un volume, que notre environnement évolue et que l’expérience ne cesse jamais de s’accumuler. Publier plusieurs ouvrages permet aussi de mettre en valeur l’évolution d’une pensée et d’un regard sur le monde. Enfin, écrire, on y prend goût ! On a testé une première fois, on connaît les pièges, alors, pourquoi ne pas y retourner ?

Christophe Coupez est ainsi l’auteur de plusieurs livres personnels et professionnels, retraçant son parcours et son savoir-faire dans le domaine informatique. Il a accepté de répondre à mes questions et partager son cheminement en tant qu’auteur.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Christophe Coupez, je suis consultant en transformation digitale interne avec Microsoft 365. Pour le dire plus simplement, j’aide les entreprises à passer de la collaboration des années 1990 (les mails et les serveurs de fichiers) à une collaboration plus moderne et plus efficace avec Microsoft 365 (Teams, SharePoint …).

J’ai un profil assez atypique. Beaucoup commencent leur carrière comme consultant avant de rejoindre plusieurs années plus tard une entreprise comme collaborateur interne. J’ai fait l’inverse : j’ai intégré le Groupe Bouygues en 1996 comme auditeur interne en informatique, avant de rejoindre Bouygues Telecom et d’y construire pendant 15 ans ce que j’appelle aujourd’hui le « digital interne d’entreprise » (lire ma « brochure de départ »).

A l’âge de 45 ans, je me suis lancé un défi : devenir consultant pour aider des entreprises de toutes tailles à se moderniser. En 2015 j’ai rejoint la société Abalon fondée par Patrick Guimonet. Nous n’étions que trois consultants à l’époque : nous sommes maintenant une quarantaine.

Autre particularité : j’ai fait des études scientifiques et d’informatique (MIAGE) ce qui était obligatoire pour devenir informaticien, mon rêve depuis mes 11 ans. Mais dans le fond, j’étais plutôt littéraire. Et c’est justement de ça que nous allons parler.

Quel a été le premier livre et pourquoi l’avez-vous écrit?

Ah ! J’adore raconter cette histoire ! Mon tout premier « vrai » livre a été le récit de mon service militaire réalisé en 1992 dans une base fusilier commando de l’armée de l’air, au fin fond de l’Alsace, à Drachenbroon. C’était une base militaire considérée par beaucoup comme semi disciplinaire.

À ce jour, je n’ai toujours pas compris la raison de ce traitement spécial qui m’a valu quelques épisodes épiques et cuisantes. J’ai vécu ce service militaire comme un observatoire de l’humanité. Pour ne rien oublier des choses incroyables que je voyais, je prenais des notes. Quelques semaines avant ma libération c’est sur l’ordinateur de mon bureau au « PC Base » que j’ai entrepris d’écrire mes aventures militaires.

À l’origine j’avais juste écrit ce récit à destination de mes proches et de mes amis. Ce n’est que plusieurs années plus tard que je me suis rendu compte que c’était un témoignage assez unique du service militaire avec ses (rares) bons côtés mais aussi avec ses dérives.

Je l’ai remanié et publié : le livre « Certificat de bonne conduite » est aujourd’hui toujours disponible sur Amazon ou eBook.

Quels autres livres avez-vous publiés par la suite ?

Ce premier livre m’a donné envie d’en écrire d’autres. Certains ont été pensés pour être diffusés auprès d’une large audience (parcours de vie et livres professionnels), d’autres ne l’ont été que pour un public restreint à mes proches et mes amis (histoire familiale, histoires pour mes enfants).

Pour ne parler que de mes ouvrages professionnels, le tout premier a été publié il y a 10 ans aujourd’hui. « Penser autrement vos projets informatiques » propose avant l’heure une approche du projet informatique agile, fruit de mes 15 ans d’expérience dans le domaine. Une approche encore d’actualité avec, notamment, des solutions comme la Power Platform de Microsoft 365.

Dans la foulée et dans une même série, j’ai publié en 2015 le livre intitulé : « penser autrement l’intranet, la digitalisation et les réseaux sociaux d’entreprise ». À cette époque, tout le monde parlait des réseaux sociaux d’entreprise mais personne ne savait vraiment ce que c’était. Le livre donnait des exemples concrets d’usage et de positionnement. Il a connu un beau succès.

dossiers écrits

En 2019, j’ai récidivé avec « Le digital interne en entreprise » qui faisait un tour d’horizon complet du sujet sous l’angle de Microsoft 365 essentiellement. C’était ce qu’on appelle « un livre de commande » pour une maison d’édition qui souhaitait compléter sa gamme. Il reste toujours pertinent, même si quelques outils ont évolué.

2023 a vu la publication de « réinventer la communication interne avec Microsoft 365 ». J’y revenais sur un domaine que j’ai bien connu pendant 15 ans chez Bouygues Telecom. J’ai voulu montrer à quoi pouvait ressembler la communication interne moderne dans une entreprise, avec les outils digitaux.

Pour finir, le tout dernier ouvrage « Les opportunités de Microsoft 365 expliquées aux dirigeants et décideurs » est sorti ce mois de juin 2024. Publier ce livre me tenait particulièrement à cœur car, dans mon domaine, rien de profond ne peut se faire sans l’implication des dirigeants. J’ai voulu écrire un livre simple, sobre, facile et rapide à lire pour leur donner toutes les clés de compréhension et les aider à mesurer les enjeux pour leur entreprise.

Quel est, selon vous, le plus compliqué dans la création d’un livre?

Il y a plusieurs étapes dans l’écriture d’un livre et chacune apporte son lot de difficultés : trouver l’idée, la développer, structurer le livre, le rédiger, le mettre en forme, le publier et le diffuser.

Les étapes liées à l’écriture

Pour les premières étapes de la création, les difficultés ressenties dépendent de chaque individu. Je connais de très bons professionnels qui sont excellents dans leur domaine mais qui peinent à rédiger un simple mail. Pour eux, écrire un livre n’est tout simplement pas envisageable. Pour autant, ils auraient la matière et la légitimité pour se lancer. Je ne crois pas en la capacité de l’IA (pour le moment) à élaborer un livre complet à partir de leurs connaissances. Pour ces personnes, le mieux est de recourir à un(e) professionnel(le) qui pourra se charger de la construction du livre. Si tant est qu’il s’agisse du meilleur média : il y en a d’autres, comme les vidéos, les blogs, etc.

En ce qui me concerne, c’est complètement l’inverse, j’adore chaque étape du processus !

Ma plus grande difficulté aujourd’hui, c’est de répondre au besoin de concision des lecteurs. Je devrais plutôt parler de besoin de raccourcissement. Car nous sommes aujourd’hui dans l’ère des « shorts » des réseaux sociaux, ces micro-vidéos de quelques dizaines de secondes à la mode tik tok. On me dit souvent « c’est trop long : il faut expliquer en quelques lignes »  : c’est peut-être le cas pour ce témoignage !

Mais résumer des concepts complexes en si peu de phrases, cela revient à les vider de leur substance. Par exemple, pour mieux faire comprendre mes propos, j’aime beaucoup les illustrer avec des analogies : cela ajoute forcément plus de contenu mais cela aide à la compréhension. Je préfère me priver d’un public trop pressé, et me satisfaire d’un lectorat plus impliqué qui lira mes propos jusqu’au bout, parce que le sujet l’intéresse. C’est un choix éditorial comme un autre.

Les étapes liées à la diffusion

L’autre difficulté pour ceux qui se lancent dans la phase d’édition, c’est la publication d’un « vrai livre » accessible en librairie, sur Amazon ou en format numérique. J’ai connu un jeune auteur qui avait écrit son ouvrage en 6 mois et qui a consacré les 5 années suivantes à parcourir tous les éditeurs pour se faire publier. 5 années de désillusion pour finalement abandonner son projet, convaincu que son livre n’en valait pas la peine.

Il faut bien comprendre une chose : si vous n’êtes pas un auteur déjà connu, ou si vous n’avez pas de légitimité nationale ou internationale par votre poste, vos titres ou vos fonctions professionnelles, vous n’intéresserez pas les éditeurs. Pire, un éditeur « classique » met la pression, impose des choix que vous n’auriez pas faits, donne son avis sur des sujets qu’il ne maîtrise pas. Quant à la rémunération par livre vendu, si vous n’avez pas une grande notoriété, cela tient plus du bénévolat qu’autre chose.

Personnellement, je passe par une maison de publication de livres à la demande dont je suis très satisfait : https://www.bod.fr. Vous maîtrisez le processus de bout en bout et fixez vous-même le prix de vos ouvrages. Les livres ont une bonne finition et sont disponibles en librairie, sur Amazon et même en format électronique Kindle ou ebook.

Je finalise aussi des livres personnels par ce biais. Par exemple, ma fille âgée de 12 ans dessine des BD depuis ses 9 ans : lorsqu’elle termine ses planches, j’en fais une vraie BD semblable en tout point à celles que vous pourriez acheter dans le commerce, et nous l’offrons à nos proches. Imaginez la satisfaction de votre enfant en voyant le fruit de son travail arriver à la maison ! Avec ses livres, ceux de mon fils et les miens, nous avons une belle bibliothèque !

Livres dans une bibliothèque

Que vous a apporté l’écriture et la publication de vos livres dans votre vie professionnelle et personnelle ?

Sur le plan professionnel, mes livres sont d’abord un outil de promotion. Publier un livre apporte une certaine légitimité. C’est une preuve à la fois d’implication sur le sujet, de passion, mais aussi de maîtrise. Pour mes clients potentiels c’est une aide à la décision avant de recourir à mes services. Lorsqu’un prospect hésite, je lui recommande souvent de lire mon dernier livre pour se familiariser avec mes approches et vérifier qu’elles sont compatibles avec ses propres attentes.

C’est également un outil de travail, autant pour les personnes impliquées sur ces sujets que pour moi-même. Pendant mes missions, je garde toujours mes trois derniers livres sur mon bureau : c’est un bon aide-mémoire. Il m’arrive parfois d’envoyer l’un des ouvrages à mes clients pour les aider à explorer certains sujets. Je me sers de mes livres (mais aussi de mes articles – nous en parlerons par la suite) comme d’outils d’accompagnement pour compléter mes explications.

Pour finir, ces livres m’apportent de grands moments de plaisir. Souvent, des lecteurs me contactent pour me remercier et me dire qu’ils ont apprécié leur lecture. Le fait de savoir que mes écrits sont lus et qu’ils ont aidé quelqu’un à mieux comprendre ces sujets complexes me rend vraiment heureux.

Vous avez aussi plusieurs sites internet : est-ce la même démarche?

Effectivement, j’anime plusieurs sites internet et blogs sur différents sujets. J’en ai eu plus d’une dizaine en ligne, mais je me suis calmé principalement par manque de temps.

Aujourd’hui, j’anime principalement deux sites internet. Le site principal, https://www.digital-inside.fr, est consacré à mon métier. J’y publie des articles et des vidéos.

Le second, https://www.digital-retro.fr, est plus inattendu : j’expose ma collection de vieux micro-ordinateurs des années 1970 à début 2000 et je partage ma passion pour ces premiers temps de la micro-informatique que j’ai connus avec ma première machine, le ZX81.

Sur le fond, l’objectif est identique : il s’agit de partager des connaissances et des informations avec un large public. La fréquence de publication est en revanche plus élevée : il m’arrive de publier un article ou une vidéo le temps d’un week-end, quand publier un livre me demande plusieurs mois. L’auditoire est plus large puisqu’il n’y a aucun support à acheter. La manière d’écrire n’est pas la même. Il est plus simple d’illustrer mes propos sur le web, avec une vidéo, que dans un livre.

Pour autant, les deux me semblent complémentaires et j’éprouve autant de plaisir à écrire un livre qu’à publier une nouvelle rubrique ou un nouvel article sur Internet.

À quoi sert cette appétence littéraire dans votre métier ?

Après des études en informatique, j’ai débuté ma carrière comme auditeur interne en informatique, au sein du groupe Bouygues. J’avais été embauché pour mes facilités rédactionnelles, mises en avant dans mon CV. Ces compétences sont essentielles quand on est auditeur : il faut savoir être précis, concis, clair.

Mon patron à l’audit, Gabriel Durget a été mon maître tout le temps que j’ai passé dans son équipe. Il m’a donné des conseils précieux, notamment en matière de rédaction mais aussi d’écoute et d’analyse des situations. Des conseils que j’applique encore aujourd’hui : autant dans la manière de rédiger, de faire passer des messages, que dans la mise en forme des documents.

Plus tard, chez Bouygues Telecom, ces compétences rédactionnelles m’ont été très utiles. Très rapidement, je m’étais éloigné des modèles standard de documents qualité. Avec des chapitres imbriqués parfois jusqu’à 6 niveaux de profondeur, je les trouvais complètement illisibles et inadaptés à nos projets Web. Au contraire, je rédigeais les spécifications à la manière d’un récit et nos clients internes en étaient ravis. Pour une fois, ils comprenaient ce qu’ils validaient !

Tout cela pour dire que l’écriture a une grande importance dans les métiers de l’informatique car pour convaincre, expliquer, décrire, il faut souvent écrire. C’est un peu la revanche des littéraires dans le domaine, alors que la voie royale pour faire de l’informatique reste le parcours scientifique.

Avec les nouvelles solutions comme Microsoft 365, c’est encore plus flagrant. Par exemple, réaliser un intranet n’est quasiment plus un projet informatique avec les solutions actuelles comme SharePoint. Dans notre société Abalon, les personnes recrutées pour faire mon métier ne sont pas des informaticiens de formation, mais des profils plus littéraires.

Quels sont vos prochains projets ?

Maintenant que le dernier livre est sorti, je vais pouvoir de nouveau publier des articles et des vidéos sur mon site digital-inside.fr.

J’ai plusieurs idées en préparation, ainsi que le sujet d’un prochain livre. Mais tout cela prend du temps : c’est en plus de mon travail quotidien en tant que consultant.

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Voilà bien un auteur passionné, tant par sa thématique que par le processus d’écriture ! Je vous l’avais bien, écrire un livre, cela peut être addictif !